Le Temple de Garni, situé dans la région de Kotayk en Arménie, est l’un des monuments les plus emblématiques et mystérieux du pays. Ce site antique, perché sur un promontoire dominant la rivière Azat, est le seul temple païen encore debout dans le Caucase, et un témoignage fascinant de la culture gréco-romaine qui a influencé l’Arménie avant sa conversion au christianisme. Le temple de Garni est non seulement un joyau architectural, mais aussi un site chargé d’histoire, représentant la richesse spirituelle et culturelle de l’Arménie ancienne.
1. Historique du Temple de Garni
A. Origines et fondation
Le temple de Garni aurait été construit au Ier siècle après J.-C., sous le règne du roi Tiridate Ier d’Arménie, avec le soutien financier de l’empereur romain Néron. Ce dernier, après une visite triomphale de Tiridate à Rome, lui offrit des fonds pour reconstruire l’Arménie, et parmi les projets réalisés figure ce temple dédié à Mihr, le dieu arménien du soleil.
Bien que construit à l’époque de la domination romaine, le temple est une structure distinctement arménienne, fusionnant les influences hellénistiques avec les traditions locales.
B. Le culte de Mihr et la signification religieuse
Le temple était dédié à Mihr, l’une des divinités du panthéon arménien, souvent associé à Mithra, dieu perse de la lumière et du soleil. À cette époque, l’Arménie, bien qu’influencée par Rome et la Perse, avait encore une forte identité culturelle et religieuse. Garni servait donc de lieu sacré pour les rites païens, où les prêtres effectuaient des cérémonies religieuses pour honorer Mihr et garantir la protection divine.
2. Architecture et Style du Temple
A. Caractéristiques principales
Le temple de Garni est une merveille d’architecture gréco-romaine, inspirée du style classique mais avec des éléments distinctifs arméniens. Il est construit en basalte, une pierre volcanique locale, qui confère au monument une teinte bleuâtre et une robustesse durable. Le temple repose sur une plateforme élevée (un stylobate), avec un portique composé de 24 colonnes ioniques (6 à l’avant et à l’arrière, 8 de chaque côté), représentant probablement les heures du jour.
Les colonnes, de style ionique, se distinguent par leurs volutes décoratives et leur symétrie. Le toit du temple, bien que maintenant partiellement restauré, était autrefois recouvert de tuiles en pierre sculptée.
B. Le sanctuaire intérieur (Cella)
À l’intérieur du temple se trouve la cella, un espace fermé où la statue de Mihr était probablement placée. Les visiteurs n’avaient pas accès à ce sanctuaire intérieur, réservé aux prêtres. Le plan du temple rappelle celui d’autres temples romains, avec un vestibule avant (le pronaos) et une salle principale pour abriter la divinité.
Les motifs architecturaux, notamment les frises décorées de motifs floraux et géométriques, sont finement sculptés, démontrant l’habileté des artisans de l’époque.
C. La Restauration
Le temple a subi des dégâts majeurs à travers les siècles, notamment lors du grand tremblement de terre de 1679 qui a détruit de nombreuses structures dans la région. Ce n’est qu’en 1975 que le temple a été entièrement restauré, à l’initiative du gouvernement soviétique, pour retrouver sa splendeur originelle. Aujourd’hui, bien que certaines parties du temple aient été reconstituées à partir de fragments retrouvés sur le site, la structure reste fidèle à son style original.
3. Le Site de Garni et ses Environs
Le temple de Garni n’est pas une structure isolée. Il faisait partie d’un complexe royal plus vaste qui servait de résidence d’été pour la famille royale arménienne. Le site archéologique comprend également les ruines d’un palais royal, des bains romains et les remparts entourant l’ensemble.
A. Les bains romains
L’une des découvertes les plus fascinantes à Garni est celle des bains publics romains situés à proximité du temple. Ces bains sont ornés d’une superbe mosaïque représentant la légende de l’océan, avec l’inscription en grec : « Nous avons travaillé, mais nous n’avons rien eu. » Cette mosaïque témoigne de l’influence romaine et de la culture du bien-être qui prospérait à cette époque.
B. Les remparts
Le complexe de Garni était protégé par une forteresse, dont des portions des murailles cyclopéennes sont encore visibles. Ces murs, construits avec des blocs massifs de basalte, renforçaient la position stratégique du site, déjà naturellement défendu par les falaises abruptes qui l’entourent.
4. Garni après la Christianisation de l’Arménie
En 301 après J.-C., l’Arménie devint le premier pays au monde à adopter le christianisme comme religion d’État, sous le règne du roi Tiridate III. Avec cette conversion, de nombreux temples païens furent détruits ou convertis en églises. Cependant, le temple de Garni a miraculeusement survécu à cette vague de destruction.
Une théorie suggère que Garni a été épargné car il servait également de résidence royale, et le temple était peut-être considéré comme une partie intégrante du patrimoine culturel et non uniquement religieux.
5. Le Temple de Garni Aujourd’hui
Le temple de Garni est aujourd’hui l’un des principaux sites touristiques de l’Arménie. Il attire des visiteurs du monde entier, non seulement pour sa beauté architecturale, mais aussi pour la vue imprenable qu’il offre sur la gorge de la rivière Azat et les montagnes environnantes.
A. Patrimoine mondial de l’UNESCO
Bien que le temple lui-même ne soit pas classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, la gorge de Garni fait partie de la zone protégée qui comprend également le monastère de Geghard, situé à quelques kilomètres du temple. Ces deux sites sont souvent visités ensemble, offrant un contraste saisissant entre l’architecture païenne de Garni et le complexe monastique chrétien de Geghard.
B. Événements et festivals
De nombreux événements culturels et spirituels ont lieu sur le site de Garni, y compris des célébrations du solstice d’été, qui rappellent l’importance historique du temple en tant que lieu de culte solaire. Il n’est pas rare de voir des groupes pratiquant des reconstitutions de rites païens ou des concerts de musique classique dans l’enceinte du temple, ajoutant une dimension vivante à ce site antique.
Conclusion
Le Temple de Garni est bien plus qu’un simple vestige d’une époque révolue. C’est un symbole de l’héritage païen de l’Arménie, une porte ouverte sur un passé où les influences romaines, arméniennes et perses se croisaient pour former une culture unique. En visitant Garni, on plonge non seulement dans l’histoire de l’Arménie ancienne, mais aussi dans un paysage d’une beauté à couper le souffle. Si vous êtes en Arménie, ne manquez pas ce joyau architectural qui continue de captiver et d’inspirer les visiteurs des siècles après sa construction.